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Chef d’orchestre de « forêts habitées »

par NATHALIE DA CRUZ

Certains géomètres-experts se sont lancés dans le marché de « niche » des parcs résidentiels de loisirs. Relevé topographique, viabilisation, bornage des par – celles, création d’ASL, conseil en environnement… Une activité qui fait appel à de multiples compétences et qui passionne Laurent Gaubert. 

 

C’est un peu par hasard, il y a dix ans, que Laurent

Gaubert a rencontré le marché des parcs résidentiels de loisirs (PRL). «Un client aménageur, dont les principaux métiers étaient le camping, la promotion immobilière et le lotissement, m’a sollicité. Il venait de découvrir les PRL et avait eu une opportunité foncière pour en créer un. Le concept m’était totalement inconnu; je me suis plongé dedans, j’ai bûché », expose Laurent Gaubert, géomètre-expert associé du cabinet Premier Plan, implanté dans les Landes et les Pyrénées- Atlantiques. Il est vrai que le sujet est ardu en matière juridique et urbanistique : «Pour créer un PRL, il faut soit un terrain vierge classé en zone d’hébergement touristique et de loisirs dans le plan local d’urbanisme (PLU), soit un terrain exploité en camping.

Mais ce n’est pas tout : il faut en outre que le PLU permette l’hébergement léger de loisirs non-hôtelier pour que les gens puissent être propriétaires de la parcelle. On peut aussi faire un PRL en seule gestion hôtelière, à condition, là encore, que le PLU le permette », poursuit le géomètre-expert, qui dirige le bureau de Saint-Vincent-de-Tyrosse (Landes) de Premier Plan. Une fois acquis, le foncier est divisé en parcelles – d’une superficie moyenne de 355m2 – sur lesquelles un chalet est implanté ; elles sont vendues à des particuliers qui deviennent propriétaires d’une habitation légère de loisirs, démontable et transportable. Une partie des parcelles peut aussi être acquise par un opérateur qui les loue à la nuitée ou à la semaine : il s’agit là du mode de «gestion hôtelière ». On pourrait, pour schématiser, qualifier ces installations de «campings haut de gamme ». Mais un PRL est ouvert toute l’année, et les habitants sont propriétaires de leur habitation et de leur parcelle.Comment un cabinet de géomètres-experts intervient-il dans la genèse et la mise en oeuvre d’un PRL? «Avant toute chose, il y a un diagnostic environnemental qui est fait, relate Laurent Gaubert. À partir de là, après le relevé topographique du terrain, nous dessinons une esquisse qui s’adapte aux sensibilités du site relevées par l’équipe d’écologues. L’esquisse est élaborée dans le cadre d’une séquence “améliorer-éviter-réduire-compenser ” (AERC), mise en avant par l’Ordre des géomètres-experts », précise celui qui préside la commission environnement de l’OGE. Puis ont lieu le dépôt des autorisations (lire l’encadré ci-contre), la viabilisation et les travaux de voirie et d’espaces verts, le bornage des parcelles et l’implantation des chalets.

«Ensuite, nous accompagnons le maître d’ouvrage pour la constitution de l’association syndicale libre (ASL) à laquelle les propriétaires de parcelles doivent adhérer, et nous assurons le “service après-vente” si nécessaire », poursuit-il. C’est un confort pour le maître d’ouvrage de n’avoir affaire qu’à un interlocuteur ;

Laurent Gaubert, géomètre-expert, mais aussi urbaniste

OPQU(1), oeuvre avec trois paysagistes-concepteurs, une assistante-paysagiste qui habille les plans, trois ingénieurs ou techniciens pour la maîtrise d’oeuvre VRD et une collaboratrice qui travaille sur les déclarations préalables et les plans de vente des parcelles avec chalets.

Respecter la trame boisée

Dans son bureau, Laurent Gaubert présente un exemple de projet sur l’écran de son ordinateur : l’esquisse d’un futur PRL en Vendée, situé dans un site patrimonial remarquable du PLU.

Vues en coupe du terrain, gestion des eaux pluviales, présence de haies bocagères, de cheminements piétons pour préserver la biodiversité, d’un « jardin de pluie » où vont converger les eaux pluviales… Il n’y aura pas de voitures dans ce parc,les occupants devront garer leur véhicule à l’entrée. Des vélos à assistance électrique seront mis à disposition. «Nous avons travaillé avec la trame boisée qui est l’âme du site, détaille le géomètre-expert. Et il nous faut intégrer le dénivelé de quatorze mètres qui offre de beaux points de vue. Le projet est co-construit par le maître d’ouvrage, les équipes de Premier Plan et des écologues ; il est soumis à l’ABF qui l’enrichit et donne ses recom – mandations en termes d’architecture et d’intégration paysagère.»

82 parcelles déjà vendues

Plus tard, visite d’un PRL en chantier à Saubrigues, une commune rurale de 1500 habitants, dans les Landes, sur un terrain d’un peu moins de 5ha. À l’arrière du site, un petit portail donne accès à la piste cyclable aménagée par la communauté de communes Maremne Adour Côte-sud (Macs). Bien que le chantier ne soit pas terminé, les 82 parcelles de «Las Casas de las Lanas » sont d’ores et déjà vendues. Les modèles de chalets les plus populaires ont une superficie d’environ 50m2. Le prix d’une parcelle avec chalet varie de 180000 à 230000 euros. Le client de ce projet, Luis do Souto, président-fondateur de Nature et Résidence, apprécie de travailler avec Premier Plan: «A la fois géomètre-expert et urbaniste, Laurent Gaubert sait expliquer les textes juridiques et les différentes contraintes d’un site de manière accessible, compréhensible par tous. Il connaît très bien le sujet des PRL. Son conseil nous est précieux».

Arbres et sous-bois préservés

Ensuite, direction l’Atlantique. À Ondres, l’Airial du Seignanx, ouvert depuis 2018, s’étale sur 4ha. Par un chemin piétonnier, la plage est accessible en dix minutes. Nous voici là dans le concept de «forêt habitée » voulu par le maître d’ouvrage, conseillé en ce sens par Laurent Gaubert. Tous les arbres ont été mesurés lors du relevé topographique. Le site comptant plus de 1000 pins et 50 chênes a été presque entièrement préservé : «Nous avons coupé tout au plus vingt arbres », précise le géomètre-expert. On aperçoit même un tronc de pin incrusté dans la terrasse d’un chalet ! Le sous-bois landais typique, à base de genêts et d’arbousiers, a lui aussi été maintenu. Au sol, du gravier et non pas du béton, pour un sol plus perméable.

«Selon la volonté du propriétaire du site, il n’y a pas de séparation ni de haies entre les parcelles », relate Marie Dugied, chargée de clientèle chez Green Resort, société qui gère le site. «L’Airial du Seignanx compte environ 77 hébergements : 35 mobil-homes en gestion hôtelière et 28 chalets appartenant à des particuliers.»

Aujourd’hui, la création de PRL représente 50% de l’activité du bureau de Saint-Vincent-de-Tyrosse, qui travaille beaucoup pour Nature et Résidence, premier opérateur en France. Un marché de niche passionnant, à la croisée de diverses compétences : urbanisme, voirie, aménagement, juridique, environnement… «Chaque projet est totalement différent du précédent. C’est ce qui est stimulant intellectuellement », commente Laurent Gaubert. Pour concevoir un PRL, le géomètre-expert est un peu le chef d’orchestre d’une équipe pluridisciplinaire.

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